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07 Oct 2023

En bibliothèques universitaires

"Comprendre l'imbroglio syrien" est disponible à la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne et à celle de Sciences-Po Toulouse. Les étudiants américains peuvent aussi consulter l'ouvrage dans les universités principales du pays. https://worldcat.org/fr/title/1373370373

16 Apr 2023

Fnac Paris Beaubourg

Sélectionné dans le rayon Géopolitique, plus aucune excuse à ne pas se procurer "Comprendre l'imbroglio syrien".

16 Apr 2023

Dans les rayons de...

Fnac Paris Beaubourg

12 Feb 2023

Rencontre à la médiathèque

Je serai le 25 février à la médiathèque Aimé Césaire à Amboise pour présenter mes trois ouvrages et échanger sur l'acte de création littéraire.

20 Jun 2021

Dédicace à Romorantin-Lanthenay

Une journée entière de dédicace peut sembler bien long.

Ce n’est pas le cas lorsque les lecteurs sont au rendez-vous. La plus grande frustration de l’écrivain étant de travailler seul, puis de communiquer seul au sujet de son livre, le moment de la dédicace est précieux puisque c’est le moment de l’échange avec les lecteurs. Le moment des retours, de l’incarnation enfin de ces yeux anonymes qui ne nous sont connus sinon que par des chiffres, impersonnels et froids.

Hier à Romorantin-Lanthenay, les échanges furent nombreux, et toujours différents. Il s’agit de parler de mon livre en changeant chaque fois de point d’ancrage au récit, d’angle d’attaque, comme un professeur de musique qui adapte pour chaque élève une pédagogie chaque fois réinventée. C’est un lieu commun de dire qu’un livre ne vous appartient plus dès qu’il est lu; c’est tellement vrai lorsqu’on écoute les gens parler.

Parmi tant d’autres rencontres hier, une visite de marque. Jeanny Lorgeoux est maire de cette commune de Sologne depuis l’époque de la conquête mitterrandienneme. Il me fait l’honneur de venir s’ajouter à mes lecteurs. Nous discutons un peu, le temps de m’apercevoir de sa vaste culture, de nous découvrir des passions communes. Pour l’histoire, le temps d’évoquer l’Inquisition et les conversions forcées au sujet de la double origine sémite de mon patronyme et de ma famille ; pour la musique avec Bill Evans ou Chick Corea. Avec Muddy Waters, qu’il a connu personnellement.

J’espère que mon livre vous plaira.

19 Mar 2021

Retour de lecture

La plus belle récompense des centaines d'heures de solitude passées à écrire un livre est certainement dans ces quelques messages reçus de temps en temps. La rencontre entre l'auteur et le lecteur est rare est précieuse. Émouvante aussi. En voici une, partagée avec son consentement, cela va sans dire. On croit inventer des personnages purement fictifs et on s'aperçoit que ce sont nos lecteurs eux-mêmes qui les incarnent pour nous.

01 Mar 2021

ENTRE DEUX PAGES

La fréquentation assidue des bouquinistes est symptomatique d’une pathologie bénigne dont certains reconnaîtront sans doute être copieusement atteints — n’ayez pas honte, j’en suis tout autant. En plus d’aimer lire, on aime lire à pas trop cher, parce que si ont lit beaucoup, ça revient cher. Au-delà de ça, on aime feuilleter du papier qui évoque plus l’odeur des vieux placards de grand-mamie que celle des derniers scribouillages à peine sortis d’imprimerie, dont on sait qu’ils ne passeront pas brillamment le verdict de l’histoire mais que l’on achètera quand même dimanche matin. Oui, parce que dimanche c’est la fête des grands-mères et on n’a pas trouvé meilleure idée que cet objet flattant l’oeil, là, en tête de gondole chez l’enseigne de grande distribution opportunément ouverte à l’heure de la messe le dimanche, juste avant d’aller y manger le gigot-frites de midi.

Oui j’avoue j’aime acheter du livre d’occasion, pourvu qu’il se tienne encore en main, que j’estime ses pages assez solides encore pour supporter le tour de plus que sera ma contribution à son histoire personnelle. Car oui quand le livre est ancien, la rencontre avec lui a ce petit quelque chose en plus qui le hisse au-delà de sa condition d’inerte. Il n’est pas tout à fait une personne, mais il raconte un peu de sa rencontre avec qui fut son lecteur précédent. Si je rechigne à prendre un livre dont les lignes seraient constamment annotées, commentées — j’aime à ne pas me laisser influencer par des notes griffonnées orientant ma lecture — j’adore par contre les dédicaces, vestiges témoins d’un cadeau, cartes postales laissées en marque-page qui disent une courte histoire de vie et donnent des éléments de datation de la dernière lecture. Parfois un article de journal se glisse en fin de volume, une critique littéraire oubliée d’une oeuvre dont la postérité depuis rend la redécouverte sotte et décalée; la naïveté du sachant écroulé du haut de son piédestal, dépouillé d’un prestige qui n’était que fatuité.

Parfois, des petites perles se glissent entre deux pages. Hier je lisais dans le train un livre ancien. Pour la première fois de ma vie, je m’étais fait plaisir à acheter une belle édition, un relié cuir dans un magasin de livres rares. Un livre bien cher et dont le prix en francs (250) en disait long sur le nombre d’années passées à croupir dans le magasin avant que je l’exhume. Une édition de 1936 d’un ouvrage scientifique sur les civilisations antiques égyptienne et assyrienne. Il fallait bien que l’ouvrage me rencontrât pour espérer sortir enfin de sa boutique toute d’ombres et de poussières. Car qui s’intéresserait à un tel livre ? Personne, et le vendeur le savait bien, qui s’empressa de me faire un prix (en euros).

Hier donc, j’ai lu ce document avec délectation dans le train, avec le sentiment que personne ne l’avait fait avant moi depuis la guerre, puisque tout à coup, au détour d’une page — la quatre-vingt-douzième exactement, détail qui n’a aucun autre intérêt que me vanter d’être affublé d’une mémoire des chiffres parfaitement inutile— un petit rectangle de papier a glissé sur la moquette du compartiment. Intrigué comme on s’en doute si on m’a bien suivi depuis trois chapitres, je ramassai l’archive. Je compris bien vite de quoi il était question, et du cadeau que l’on me faisait à travers les générations. Bien sûr comme toute personne intéressée par l’histoire de la dernière guerre je sais de quoi il est question mais je n’avais jamais tenu un véritable ticket de rationnement entre les mains avant celui-ci. Il porte le titre C229U, numéroté à la main 21955 et voué aux viandes et charcuteries. Au verso on peut voir qu’il a été utilisé et tamponné. C’était une époque où même les érudits avaient du mal à s’acheter de la viande. Qu’allais-je en faire ? De toutes les façons, il n’est plus utilisable pour son usage premier, puisque valable du 1er au 31 décembre 1941 seulement…

13 Nov 2020

Passage radio Alouette

Interview de Mathieu Bougeard pour radio Alouette, 13 novembre 2020.
MB: « Il y a cinq ans, une dizaine de terroristes semait la mort à Paris. Au Bataclan, à la terrasse de restaurant et au stade de France. Les attentats du 13 novembre avaient provoqué la mort de plus de 130 personnes. Ils écrivent un tourangeaux Daniel Monforte était à Paris ce jour là. Il a publié cette année un livre qui a pour trame les attentats du 13 novembre. Il était d'ailleurs passé dans une des rues ou des terrasses ont essuyé des tirs. On l'écoute :

DM: Quelques heures avant les attaques, avec ma femme nous nous promenions dans Paris avec dans l’idée d'aller dans ce lieu, l'atelier Charonne, pour y dîner. Finalement, on n'est pas allé jusqu'à ce quartier. On a choisi une autre destination. On était en train de dîner et on a vu à la télévision, qui était en sourdine dans ce restaurant, les premières images de l'info en continu. On a très vite compris que ça s'était passé sur les lieux où on avait prévu éventuellement d’aller. Cela a été l'événement déclencheur de ce désir d’écrire.

MB: Un livre, « L’ennemi intérieur », publié aux éditions Le Sémaphore et disponible sur Internet. »

 

Mathieu Bougeard est un excellent journaliste, puisqu'il avait pris la peine de parcourir très attentivement mon livre avant l'entretien enregistré par téléphone. Voici la transcription complète :

MB: Daniel Monforte vous êtes l'auteur du livre « l'ennemi intérieur », un livre qui est sorti il y a quelques mois maintenant. Si on en reparle c'est parce qu'il y a plusieurs échos à une actualité tragique qui s'est déroulée il y a cinq ans, les attentats du 13 novembre, les terrasses et le Bataclan. Alors un livre qui montre, qui suit un narrateur père de famille, un voisin qui vit dans un immeuble à Paris... L'intrigue nous plonge déjà dans l'horreur le 13 novembre, pas loin de la rue de Charonne, où les terrasses ont été prises pour cibles par les terroristes. Pour avoir lu les premières pages, c'est un roman déjà qui est bien écrit, mais qui nous renvoie un peu aussi à nos failles j'ai l'impression. C'est la première chose que j'ai ressenti en le lisant. Le héros se retrouve d'ailleurs pas loin de passer dans une des rues où les terroristes ont frappé. Ce qui nous frappe dès les premières lignes c'est que chacun est renvoyé à ses blessures passées et à une certaine fragilité.

DM: Oui exactement. C'est ce que j'ai souhaité dépeindre dans ce personnage. Puisque les attentats nous frappent, nous, civilisation française, qui sommes assez peu habitués à ce genre d’horreurs. On n’a pas eu d’attentats comme peut en connaître par exemple Israël. On n'a pas eu cette violence urbaine depuis la guerre de 40. Ou à la rigueur les événements d'Algérie, comme on dit. Donc je pense que nous sommes assez désemparés face a ce type de violences, et ça nous renvoie effectivement à nos failles, à nos propres angoisses. Cela nous renvoie une fragilité oubliée, on va dire. C'est-à-dire que l'on évolue dans une vie où la mort est complètement passée sous silence. On ne veut pas la voir. Le danger d'une mort avant 80 ans, le danger d'une agression politique qui atteindrait la vie des gens, de nos proches, elle est complètement oubliée dans nos sociétés. Ce qui fait que quand un attentat survient, la stupeur est ce qui domine. La sidération, même je dirais. C'est d'ailleurs le titre du premier chapitre du livre.

MB: Effectivement. Alors je le disais en préambule, cela fait cinq ans que les terroristes ont frappé au Bataclan et aux terrasses. Et au stade de France aussi, pour un bilan effroyable de plus de 130 morts et 85 ou 90 je crois pour le seul Bataclan. L'actualité tragiquement en fait un écho aussi avec l’assassinat de Samuel Paty…

DM: Absolument, oui…

MB: L’attentat survenu à Nice aussi en la basilique Notre-Dame. Alors pourquoi prendre pour point de départ les attentats du 13 novembre cinq ans après pour construire votre intrigue ?

DM: Alors, plusieurs raisons. D'abord parce que c'est un attentat multisite, d'une ampleur quand même, qui fait date. Je crois qu’il faut remonter très très loin pour retrouver un attentat qui fasse autant de victimes en Europe. Et je crois que c’est le deuxième en termes de nombre de victimes après celui de Madrid en 2004, si ma mémoire est bonne…

MB: C’est ça…

DM: Donc c'est une attaque assez foudroyante, assez sidérante. Et c'est une attaque qui a lieu sur trois sites différents, donc avec plusieurs équipes de terroristes. C'est une attaque coordonnée, ce n'est pas du tout comparable à l'attaque que l'on a eue avec la décapitation de Samuel Paty. Parce qu'il s'agissait d'une personne isolée, éventuellement aidée de quelques autres, en gros un groupe de 3 à 4 personnes alors que l'événement du 13 novembre, enfin les événements du 13 novembre, sont une action coordonnée qui s’apparente un petit peu plus au 11 septembre aux États-Unis. Avec moins de moyens évidemment, mais cela demande une coordination complètement différente. Cela demande presque un appareil d'État, je dirais, qui commandite et organise l'attaque. Une attaque de guerre en fait. C'est une attaque de guerre, ce n'est pas comparable à ce qu'on appelle le « lone wolf », le loup solitaire qui va commettre un attentat juste parce qu'il s'est radicalisé tout seul derrière son ordinateur.

MB: Tout à fait. Alors cette attaque du 13 novembre — souvent décrite d'ailleurs on parlait du 11 septembre, comme un 11 septembre à la française — vous êtes artiste Daniel Monforte vous êtes musicien, est-ce que aussi cette attaque, on se souvient tous de ce qu'on faisait le le 13 novembre au soir, le fait aussi qu’on s'attaque au Bataclan qui est un haut lieu de concerts à Paris, cela vous a heurté personnellement et c’est ce qui vous a obligé à écrire finalement un peu… Pas comme une catharsis mais pour exorciser un peu ?

DM: Alors… Cela aurait pu mais pas tout à fait, parce que je n'ai jamais joué moi-même en tant que musicien au Bataclan. Par contre, je suis musicien de jazz, entre autres, et j'ai joué quelques fois à l'atelier Charonne, qui était un club de jazz malheureusement fermé depuis, rue de Charonne, un des trois lieux des attaques le 13 novembre. Les fusillades en eu lieu en partie dans cette rue. Déjà cela m'a touché pour cette raison-là. Et la deuxième raison, c'est ce que je commence à raconter dans le livre, c'est presque un événement autobiographique. Au sens où ce soir là le 13 novembre, quelques heures avant les attaques, deux heures avant environ, avec ma femme nous nous promenions dans Paris avec justement dans l’idée d'aller dans ce lieu, l'atelier Charonne, pour y dîner. Et puis finalement, on n'est pas allé jusqu'à ce quartier. On a choisi une autre destination. Mais ce que je raconte dans le livre c'est quelque chose que j'ai réellement vécu : on était en train de dîner dans ce restaurant et on a vu à la télévision, qui était en sourdine, les premières images de l'info en continu. On a très vite compris que ça s'était passé sur les lieux où on avait projeté éventuellement d’aller. Cela a été un événement déclencheur de ce désir d’écrire.

MB: L'effroi qui nous saisit. C’est ce que ce que je vous disais on se souvient tous de ce qu'on faisait le 13 novembre. Et ensuite alors c'est le développement de ce livre. Votre narrateur, votre personnage principal va rencontrer ses voisins, qu’il connaissait peu. Et on se rend compte que chacun est renvoyé à ses fractures. Par exemple les Fa-Fa qui ont une une fille un peu rebelle qui va assumer de porter le voile, votre narrateur qui a une fille lui aussi un peu rebelle et qui a un fils un peu perdu. Finalement on impression que les attentats ont été un Chamboultou phénoménal et que vous vous démultipliez pour analyser un peu de manière presque au cas par cas le bouleversement, voire la déchirure qu’a pu provoquer ces attaques dans nos foyers.

DM: Oui exactement. C'est-à-dire que les attaques terroristes de ce que l'on appelle les islamistes, ont effectivement pour but de créer cette fracture au sein du monde musulman dans un premier temps, de créer une réaction islamophobe de la population non musulmane qui obligerait, dans un second temps, l'ensemble de la population musulmane, en réaction à cette islamophobie, à rejoindre les islamistes qui ont pour projet politique on le sait bien, de créer un État islamique sur l’ensemble des terres ou résident des musulmans. Et donc cette fracture au sein du monde musulman, elle a lieu à chaque attentat, puisqu'il y a une immense majorité du monde musulman qui souhaite que l'islam s’intègre dans les lois de la république et vivre en harmonie avec les Français de toutes confessions que ce soit. D'ailleurs même sans confession, même avec les athées. Il n'y a pas dans l'islam forcément de volonté hégémonique. L'islam peut vivre avec d'autres religions. C'est ce qui s'est passé depuis toujours par exemple au Proche-Orient là où l'islam est né. Et d'ailleurs si on lit le Coran, enfin les textes sacrés, les chrétiens sont par exemple considéré comme des gens du livre. Donc respectés en tant que croyants.

MB: Oui.

DM: Donc l'islam est tout à fait compatible avec la république française. Ces attentats, comment dire, provoquent une fracture au sein du monde islamique pour cette raison.

MB: Et pas qu’au sein du monde islamique puisque votre narrateur principal était interne lors d'un autre événement aussi qui a marqué les Français: l'attentat de la station du RER en 95, les attaques de Khaled Kelkal. Au-delà de ces blessures dans le monde islamique on parle quand même de blessures psychiques mais des blessures qui sont tues finalement parce qu'on a beaucoup de blessés physiques bien entendu, mais des blessures psychiques aussi qui sont plus difficiles à soigner. On a l’impression quand on prend conscience et quand on connaît mieux vos différents personnages dans ce roman.

DM: Alors vous parlez des blessures psychiques des musulmans ou du narrateur ?

MB: Du narrateur.

DM: Alors cet événement-là, évidemment c'est un événement que j'ai imaginé. Mon narrateur est médecin, et en 95 il se trouve en fin d’études, interne. Ils voit arriver les blessés de l'attentat du RER. Et dans ces cas là si vous voulez, dans les urgences des hôpitaux, on est confronté à une grosse vague un peu comme aujourd'hui à cause d'un virus. On a une série de victimes qui arrive, qui engorgent les hôpitaux, et les gens sont un petit peu désemparés. Surtout des jeunes internes qui ne sont pas encore très très aguerris aux misères humaines. Et à cela s'ajoute, comment dire, la révolte que l'on pourrait avoir lorsque la victime est jeune. On dit souvent une victime innocente — une victime du terrorisme c'est toujours une victime innocente — mais on est encore plus frappé je pense en tant que médecin quand on voit arriver quelqu'un de très jeune et qui a reçu des éclats. Je crois que c'était des éclats, des clous, des éclats de bonbonnes de gaz à l’époque. Des clous et des éclats de métal dans le corps et on voit des jeunes personnes qui sont très très beaux et qui sont mutilés. C'est un crève-cœur et donc ces attentats qui surviennent 20 ans après rappelle à mon narrateur ce qu'il a vécu quand il était interne et qu'il a reçu les blessés du RER.

MB: Parfait. Daniel Monforte pour conclure cette interview ce livre, « l'ennemi intérieur » c'est votre deuxième livre publié. Au-delà de ça est-ce qu'il y a un message aussi à ressortir de ce livre ? Parce qu'on parle beaucoup d'attentats en ce moment. On est dans une période extrêmement troublée entre la crise du coronavirus mais aussi la crise terroriste qui s'est rappelée à nous il y a quelques semaines, quelques jours à peine. Si il y avait un message à ressortir ce serait quoi?

DM: Un message… Ce serait un petit peu difficile de résumer à une seule phrase mais alors ce qui me vient à l'esprit tout de suite c'est ce que je disais tout à l’heure. Ma lecture du Coran c'est que les chrétiens sont des gens du livre et que donc il n'y a pas lieu de vouloir imposer une religion plutôt qu’une autre. Et toutes les confessions peuvent vivre ensemble en harmonie. C'est ce que l'on a vu au Moyen-Orient pendant des siècles. Les gens cohabitaient très très bien sans qu’il y ait le moindre problème la plupart du temps. C'est généralement pour des projets politiques que l'on se sert de la religion et de la foi des gens pour en faire de la chair à canon. Si on voulait dégager un message on pourrait dire ça. Mais cela me gêne en même temps de réduire mon roman à cela parce qu'il n'y a pas qu'un message politique dans un texte littéraire. Il est aussi une fiction narrative. Il y a la vie de personnages, j'essaye d'imaginer comme tous les romanciers des vies de personnages les plus riches possibles. Avec des vies professionnelles, des amis, des relations amoureuses, une vie intellectuelle, des humeurs, des… Il y a tout cet aspect humain qui se dégage aussi du livre et ce n’est pas qu’un message politique.

09 Jul 2020

Autour d'un livre : interview RCF du 4 juillet 2020

Caroline Leddet reçoit cette semaine l'écrivain et musicien tourangeau Daniel Monforte pour nous parler de son roman: "L'ennemi intérieur", paru aux éditions Le Sémaphore.

Caroline Leddet : Chers auditeurs bonjour. J’ai le plaisir de recevoir en voisin Daniel Monforte, qui vient nous parler de son livre « L’ennemi intérieur ». Bonjour Daniel Monforte…

Daniel Monforte : Bonjour !

CL : Alors vous venez nous parler de votre livre. Donc au départ vous avez une carrière de musicien, et vous êtes venu à l’écriture par la suite…

DM : Tout à fait.

CL : Et là c’est votre premier livre ?

DM : Oui on peut dire ça. J’ai publié d’autres choses, mineures, auparavant mais c’est le premier roman, effectivement.

CL : C’est votre premier roman. Ce n’est pas le premier livre mais c’est votre premier roman ?

DM : Voilà.

CL : Et donc pour mettre nos auditeurs tout de suite dans le bain et dans le paysage, on va dire que l’unité de temps, enfin l’espace de temps que vous avez choisi, c’est entre deux attentats en gros, si je ne me trompe pas. Entre l’attentat du Bataclan et celui de Nice ?

DM : Voilà c’est ça. C’est les deux faits historiques qui sont à la base…

CL : …qui ponctuent l’histoire de ces personnages, et je pense, enfin j’espère ne pas me tromper, moi j’ai vu ça comme… Vous avez voulu choisir des personnages qui étaient représentatifs de Français qui se posent des questions, qui sont soumis à quelque chose qui est absolument inenvisageable au départ. Et qui se posent des tas de questions et qui rencontrent… Elles sont des jeunes, enfin des personnes pas très âgées mais que l’on va dire des adolescents, et puis qui habitent visiblement, qui connaissent d’autres ménages à peu près de la même tranche d’âge, et qui sont confrontés, à la fois au problème de l’intérieur, les problèmes de tout ce qui s’est posé à tous les gens qui ont vu ces images insoutenables, puis en même temps ils ont aussi des problèmes entre eux ?

DM : Voilà, exactement. Alors il y a beaucoup de choses déjà dans cette première question. Donc, c’est surtout le narrateur, et effectivement sa famille, avec qui il va avoir différents problèmes. Mais en fait la base du livre, c’est de s’apercevoir que l’affect qu’on a d’événements extraordinaires comme un attentat est complètement différent si on le voit à la télé ou si on assiste à l’attentat.Tout simplement.

CL : C’est vrai de tous les événements majeurs de l’Histoire, je pense.

DM : Certainement, oui. Je suppose… Quand on voit un attentat à la télévision, bon évidemment ça fait un peu de peine. Quand on assiste à la chose ça fait un choc beaucoup plus profond. Et donc mon narrateur, qui assiste à ce premier attentat, décide de faire des recherches. Parce que, tout simplement, les informations qu’il peut avoir dans la presse ne lui suffisent pas. Et puis peut-être aussi que c’est une manière de fuir ce qu’il vit lui-même dans sa famille. C’est à dire qu’il a des adolescents dans sa maison qui, comme tous les adolescents, ont des fois des moments un peu tumultueux. Et peut-être que l’attentat auquel il a assisté, finalement c’est un petit peu la même chose que les attentats, à l’échelle d’une famille, que les attentats qu’il a subis dans sa propre famille. Parce qu’en fait, les événements un peu colériques de ses enfants lui apparaissent comme des attentats dans sa vie. Il ne s’en rend pas bien compte, mais au moment où il assiste à un véritable attentat, peut-être pour fuir les véritables problèmes de sa famille, il va enquêter plutôt sur les attentats qu’il a vus, les attentats islamistes de Paris, que comment faire pour essayer de rassembler les morceaux de sa famille qui se disloque.

CL : Vous dites qu’il a assisté à un attentat. Je ne sais pas si vous parlez du Bataclan, mais au Bataclan il n’y était pas vraiment. Il aurait pu y être.

DM : Exactement.

CL : Il se rend compte : mon Dieu, j’aurais pu y être…

DM : Exactement. C’est à dire qu’il est avec sa femme dans Paris. Ils se promènent rue de Charonne pour chercher un restaurant. C’est le début du livre. Ils décident finalement de ne pas aller au restaurant prévu pour aller un petit peu plus loin du côté de la préfecture de police et à la fin du repas ils voient à la télé qu’il y a eu cette série d’attentats multisites qu’on connaît, le treize novembre 2015, la rue de Charonne…

CL : Il y a beaucoup d’auteurs qui ont écrit sur cet événement. Cela a suscité de nombreuses vocations littéraires, en plus de gens qui écrivaient déjà et qui s’emparaient du sujet. Il y a eu énormément de choses qui se sont écrites sur ce sujet.

DM : Probablement. Mais je ne me suis pas du tout intéressé à ça par contre…

CL : Oui, non mais moi je vous le dis parce que j’ai eu à ce même micro des personnes qui, ou bien qui l’ont pris pour cadre de leur roman, ou bien des personnes carrément qui s’en sont sorties parce qu’ils étaient là. J’ai eu au moins deux auteurs, qui ont écrit des livres alors qu’ils étaient eux présents dans la salle du Bataclan. Et là donc le votre, votre narrateur, il faut dire qu’il n’est ni musicien, ni écrivain, il est médecin. Et donc lui c’est rétrospectivement, c’est la frayeur à l’idée que à peu de choses près, il aurait pu être effectivement parmi les victimes ou bien du café ou bien du concert.

DM : Voilà c’est ça. Et c’est également la peur, comme tout parent, puisque ce soir-là sa fille est de sortie, c’est la peur de se dire: elle y est peut-être. Elle y était peut-être, et comme elle n’est pas encore rentrée ce matin, peut-être qu’elle est dans un hôpital, aux urgences. On ne sait pas. Donc il y a la réflexion du narrateur qui se dit bon moi certes, j’y ai échappé, puisque j’aurais dû être à cette terrasse de café qui s’est fait mitrailler. Donc moi j’y ai échappé mais peut-être que ma fille y est.

CL : Alors justement c’est ça qui est quand même un petit peu nodal dans votre livre et qui permet de découvrir la vérité petit à petit, que l’on ne va pas dévoiler à nos auditeurs, il y a justement cette fille pour laquelle il s’inquiète beaucoup, curieusement sa femme, elle, paraît très zen et c’est peut-être aussi, indépendamment des états d’humeur, des états d’âme des jeunes, c’est aussi, certains secrets qui finissent par réapparaître avec cette histoire.

DM : Voilà, exactement. On ne va pas dévoiler l’histoire mais sa femme ne partage pas du tout, quand elle finit par se lever, complètement décontractée, elle, elle ne partage pas du tout son inquiétude parce que elle, elle sait où est sa fille.

CL : Oui. Contrairement au père…

DM : Contrairement au père, qui lui est peut-être un petit peu à l’écart de sa famille. Les choses se passent et comme lui ne veut pas trop assister à ces micro-attentats que commettent les adolescents que sont ses enfants, il se met un peu à l’écart certainement et il y a des choses qu’il ne voit pas. Qu’il ne veut pas voir, ou qu’on lui cache. Mais en tous cas ce soir-là sa fille est de sortie et il ne sait pas véritablement où donc il peut s’inquiéter et se dire elle peut-être parmi les victimes aux urgences, et cetera. Et donc comme il est médecin, il a passé une partie de la soirée, puis une partie de la nuit à téléphoner à tous ses collègues qui sont aux urgences des différents hôpitaux qui ont reçu les…

CL : Voilà. Et vous avez des descriptions effarantes de l’état des victimes.

DM : Voilà, exactement.

CL : Il y a de quoi effectivement s’inquiéter. Alors il y les enfants qui vont, qui vivent leur vie, avec des hauts et des bas, et puis alors ils ont aussi, parmi leurs proches, alors moi j’aime beaucoup le chien….

Rires

DM : C’est un personnage central hein, vous avez remarqué…

CL : Ah moi je l’ai trouvé très sympa. La description que vous en faites, je sais pas, je pense que vous devez côtoyer de près un chien de cette race-là.

DM : J’ai eu plusieurs chiens, oui. Pas de cette race-là mais j’ai eu plusieurs chiens et j’aime beaucoup les chiens.

CL : Celui-là il a quand même un ridicule qui est touchant.

DM : Voilà. Mais comme nous-mêmes.

CL : Les humains aussi. Mais alors lui vous l’avez particulièrement décrit. Ce côté…

DM : Oui il est ridicule mais en même temps, le narrateur le décrit comme le plus humain des cinq de la famille. A certains moments.

CL : Oui en tous cas il est plus humain que le narrateur lui-même, qui a quand même des problèmes avec les relations humaines.

DM : Voilà. Tout à fait.

CL : Alors il y a ses voisins, dont on va quand même parler parce que c’est un petit peu… Enfin c’est pas le négatif mais disons que c’est ce qui permet de faire ressortir aussi les différences entre plusieurs types de Français. Et donc les voisins, ce sont les Fa-Fa. Ils n’ont pas tout à fait le même profil que le narrateur avec sa femme.

DM : Alors pas du tout. Les Fa-Fa c’est un couple dont l’homme est musulman et la femme est catholique. Et donc quand survient cet attentat, ce couple qui jusqu’à présent n’était pas tellement en connaissance des autres occupants de l’immeuble, ce couple se dit: il faut absolument que l’on communique avec nos voisins parce que, on est musulman, ça se sait, il y a une montée de la peur de l’Islam. Il faut absolument que l’on communique. Donc ils invitent tout le monde de l’immeuble, et c’est à cette occasion que Farid devient l’ami du narrateur. Et donc ils vont échanger beaucoup sur l’Islam puisque Farid qui est musulman est outré évidemment par ces attentats et il tient absolument à ce que l’Islam ne soit pas entaché de ces attaques.

CL : Comme une majorité de musulmans dans notre pays et dans le monde, qui ne se reconnaissent pas du tout dans cet extrémisme…

DM : Bien sûr !

CL : Et donc sa femme Fatima est un peu plus, peut-être, effacée. Et alors ils ont eux aussi leur lot de problèmes avec leurs enfants.

DM : C’est qu’en fait ils ont eux aussi des enfants à peu près du même âge, et ils ont donc à peu près les mêmes problèmes. Ce qui permet à Farid et au narrateur de se rapprocher et de…

CL : Les mêmes problèmes je ne sais pas si Farid aurait préféré le problème du narrateur avec son fils par rapport à ce qu’il a eu !

DM : C’est ça. Parce que dans l’intrigue effectivement on ne sait pas trop. On finit par se douter qu’il va y avoir des problèmes qui vont se développer mais on ne sait pas trop  qui va avoir des problèmes, quelle est la nature des problèmes…

CL : Déjà le problème: ces enfants des Fa-Fa alors qu’ils ne sont pas du tout militants, d’aucune religion que ce soit, même s’ils sont musulmans, d’origine musulmane et catholique, ils ne sont pas du tout militants.

DM : Pratiquants oui.

CL : En revanche à la génération en-dessous comme dans beaucoup de familles c’est une autre histoire. Et la fille elle, elle trouve le moyen de s’affirmer quand même, en portant le voile d’une façon un peu provocante.

DM : Exactement.

CL : Tandis que le fils, qui reste bon élève pendant une bonne partie du livre va finir par péter les plombs aussi, d’une autre façon.

DM : C’est ça. Donc…

CL : Les parents, ils ont quand même ça à gérer.

DM : Effectivement. Cette phase de la vie des enfants, comment dire… Les adolescents doivent faire des choix et des fois ça se passe plus ou moins bien. Plus ou moins dans la douleur et de manière plus ou moins conflictuelle avec les parents. Et lorsque l’enfant fait un choix de vie qui est diamétralement opposé à ses parents ça peut être particulièrement douloureux pour les parents. Et c’est effectivement le cas des Fa-Fa. En ce sens c’est un moment un petit plus difficile pour eux que pour le narrateur. Mais après, le narrateur va subir à la fin du livre des choses pas très sympathiques non plus.

CL : Mais comment est-ce que l’on peut en arriver justement à acheter une arme ?

DM : Alors ça c’est toute la question…

CL : Parce que c’est ce que vous avez choisi pour votre personnage.

DM. Oui, tout à fait. Le narrateur, pendant ces six mois en effet, un peu plus, sept mois qui se passent entre le 13 novembre 2015 et le 14 juillet 2016, l’attentat le plus sanglant à l’époque, pendant tous ces mois le narrateur fait des recherches sur l’Etat Islamique, sur les auteurs des attentats, pourquoi ces gens-là font des attentats. Et étant donné qu’il a lui-même été interne en 1995 et a vécu aux urgences l’arrivée des blessés de l’attentat du métro en 95, à l’époque c’était donc heu… le GIA.

CL : Le RER, oui.

DM : Il est persuadé, il se persuade, à force de chercher des éléments sur ces terroristes, il se persuade qu’il va de nouveau vivre un attentat. Il finit par s’armer, et c’est évidemment une sorte de parabole de l’Etat qui va être plus ou moins policier.

CL : Tout le monde sait que s’armer, c’est quand même (si on ne le sait pas on va le découvrir dans votre livre), c’est quand même à double tranchant. C’est le moins que l’on puisse dire… Alors je rappelle le titre de votre ouvrage. Il s’agit de « L’ennemi intérieur », De Daniel Monforté. Et c’est aux éditions Le Sémaphore. Merci beaucoup.

DM : Tout à fait. C’est moi qui vous remercie.

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