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02 May 2019

CINQ CENTS ANS DE RENAISSANCE A AMBOISE, commémoration des présidents français et italiens

    Ce jour, deuxième du mois de mai, temps que l’été a pour habitude de grignoter au printemps, il fait gris sur la petite ville d’Amboise. Un crachin faible mais persistant, à peine mouillé, un simili fog londonien nous imprègne les chairs au lever du jour. Faiblement, mais inexorablement, il pleuviote. Non pas qu’il fasse froid, mais on se dit déjà que les gens ne traîneront pas beaucoup en terrasse aujourd’hui.
    Il faut bien qu’il pleuve de temps en temps, dit la sagesse séculaire de laquelle nous sommes tous originaires : le monde paysan. Et tant mieux si cela tombe aujourd’hui après tout, puisque la journée, nous le savons d’avance, est une journée sacrifiée pour les terrasses en ville, comme pour tant d’autres choses.
    Une journée dont le sacrifice est supporté par sa population. Hier déjà dès sept heures, le périmètre du centre-ville se figeait. Aucune place de stationnement ne restera disponible, prévenait-on, et jusqu’au lendemain 17h. Les amboisiens allaient tous manquer leurs rendez-vous de fin de journée. L’activité économique s’engluait tout à coup dans des contraintes auxquelles la taille de la ville n’avait pas préparé les habitants. Il fallait monter se garer plus haut, vers les hauteurs de la ville où l’on trouve l’hôpital public, le cimetière, et des quartiers habités mais sans commerces environnants. Donc des quartiers plus lointains, mais à stationnement possible. Puis redescendre à pieds, téléphone à l’oreille pour prévenir qu’on était en retard à cause du quartier complètement bloqué. « Non mais c’est complètement dingue, j’ai tourné une demi-heure dans Amboise sans trouver une place pour me garer… » La police municipale, épaulée d’une Gendarmerie nationale solidement renforcée elle aussi, veillait au grain : « Ici c’est la fourrière » prévenaient-ils d’un air dur parce que fatigués eux-mêmes par les trop nombreuses heures supplémentaires. Et de fait, c’était vraiment l’enlèvement pour les automobilistes récalcitrants. Une fourrière de fortune fut improvisée à la hâte, un petit parking de quartier, un obscur terrain reçut les voitures de ceux qui ne trouvèrent pas de solution. On enlevait les véhicules à tour de bras en cette fin de journée de fête du travail, puisque même ce jour-là dans cette petite commune où il n’y a jamais l’ombre d’une manifestation (l’une d’elles demandée par FO ne fut autorisée qu’au rond point de la pagode, c’est à dire à plusieurs kilomètres du centre), il se trouve encore des gens qui travaillent, qui ont à faire dans le vieux bourg. Il se trouve des vrais gens qui ont des vrais rendez-vous, des vrais impératifs professionnels, familiaux ou privés. Des vrais gens qui ont une vraie vie à mener, bien en-deçà des hauteurs protocolaires.
    Ceux qui doivent par exemple se rendre dans le périmètre interdit pour leur travail, ou tout simplement parce qu’ils y habitent. Ceux-là devaient s’inscrire préalablement en Préfecture avec communication du nom du chauffeur et du numéro de la plaque. A défaut, on ne passe pas. A moins d’être un véhicule de la poste ou un bus de touristes.
    Le périmètre autour du château est fermé aux piétons. Pour passer, il faudra être muni d’une pièce d’identité justifiant de son adresse de résidence ou appartenir aux services de la mairie, de la poste, des hôtels ou des secours. Le reste du tissu économique est prié de prendre sa matinée de 7h à 13h. Les riverains ayant vue sur les terrasses du château avaient même été dans un premier temps interdits d’ouvrir leurs fenêtres. La mesure sera annulée l’avant-veille, ce mardi 30 avril. Maintenus par contre, l’interdiction de survoler Amboise en avion ou en drone, et celle de naviguer sur la Loire pendant la commémoration.
    Cette journée pourtant, aurait dû être une journée de liesse. Elle était annoncée comme telle, des mois en amont. La ville d’Amboise allait célébrer son histoire, à quelques pas de l’endroit où la sienne rejoint celle de la nation toute entière. Comme d’autres de ses compatriotes, Léonard de Vinci nous apporta la richesse de quelques merveilles de la Renaissance italienne. Il finira sa vie un autre 2 mai, celui de 1519. C’était au Clos-Lucé, auprès de François Ier dont le château reliait la demeure par un mythique souterrain existant encore aujourd’hui. Mythique justement car si on en sait l’existence, la menace d’effondrement nous interdit d’en emprunter le parcours. Il fascine alors, il exalte la rêverie, et contribue à auréoler les alentours de son voile de mystère. Ce qui est une bonne chose, somme toute, puisque ledit mystère permet aussi de gonfler un tant soi peu les visites de la Pagode de Chanteloup ou du musée Léonard. Les deux sites constituent la fierté et la richesse de la ville en un flux ininterrompu toute l’année durant de touristes de toutes les nationalités. Avec le château, où plusieurs rois nés du ventre et des intrigues de Catherine de Médicis, encore une italienne enrichissant la France, allaient être élevés dans l’espoir de perpétuer la dynastie des Valois.
    Dans ces circonstances, il n’y avait rien d’étonnant ni de choquant, à ce que le chef de l’Etat invitât son homologue italien à la cérémonie. C’est plutôt le contraire qui l’eût été: que le froid conjoncturel entre les deux chancelleries pousse le représentant de la France à ne pas inviter celui de l’Italie. Je me souviens de ces visites protocolaires de chefs d’Etat retransmises à la télévision de par le monde, un roi, un premier ministre ou un président qui défile le long des grandes artères de la ville. Partout autour, la population qui vient l’acclamer, agiter des mouchoirs, des drapeaux ou des banderoles, et qui hurle avec plus ou moins de bonne fois mais qui hurle quand même sa joie d’apercevoir, de respirer une seconde le même air que le monarque. Je me souviens de Jacques Chirac, debout dans sa décapotable, passer au ralenti au milieu de ses électeurs, serrant des mains, tout sourire de voir que malgré sa popularité en berne, il restait suffisamment de gens encore pour lui offrir des bains de foule. Je me souviens de François Mitterrand, plus altier mais respecté, divisant la France puisque premier président de gauche de la cinquième république mais bénéficiant malgré tout d’un socle solide de partisans lui permettant le même exercice. Je me souviens des images du général de Gaulle vieillissant, mais tout auréolé encore de son prestige de chef de guerre, qui faisait lui aussi de même, avec un brin de retenue en plus mais dont la popularité et surtout la capacité à incarner la fonction présidentielle rendait possible la coexistence des communistes et des libéraux dans un même projet de société indépendant des deux grandes puissances du moment. Je me souviens aussi de récits des plus anciens, ceux dont l’enfance dut s’accommoder des régimes fascistes divers de par l’Europe. Ceux-là préparaient la visite du chef d’Etat des semaines à l’avance, ils façonnaient leurs petits écriteaux à brandir au passage du dictateur dans le quartier, qui passait en coup de vent devant les enfants contraints de l’acclamer, mais qui passait tout de même au milieu des gens sans craindre d’être tué.
    En ce lendemain de fête du travail à Amboise, en ce jour de commémoration du rapprochement franco-italien à l’époque de la prestigieuse Renaissance, les amboisiens sont en situation de mesurer la fracture avec le passé. Aujourd’hui le chef de l’Etat craint tant pour sa personne que la commémoration se fera en toute discrétion, à l’écart du peuple. Pour l’approcher, il faudra être des cinq-cents personnes triées sur le volet pour assister à la rencontre à Chambord des cinquante porteurs de projet de la commémoration. Une défiance envers lui qui ne rend même plus possible ce qui l’était encore en plein régime fasciste. Le président français a passé la nuit du 1er au 2 mai dans un des plus beaux hôtels de la ville, le Choiseul, situé sur les quais de Loire. Les habitants du quai ne seront pas autorisés à ouvrir leurs volets de toute la journée. Par mesure de sécurité. Difficile dans ces conditions d’agiter des fanions à la fenêtre. Il ne leur sera pas permis de se garer non plus et de se promener dans le quartier piéton, comme on l’a vu. Mais à quoi bon puisque tous les commerces seront fermés. Il ne sera pas possible sans doute d’approcher les deux chefs d’Etat à niveau de les voir, à moins peut-être de disposer d’une bonne paire de jumelles ? Seuls les scolaires sont autorisés à passer le pont à pied pour rejoindre le centre. Si l’économie est étranglée ce jour, merci monsieur le président de permettre aux enfants de se rendre à l’école ou au collège. C’est déjà ça.
    Tandis que je me rends à la gare ce matin, je passe le barrage de Gendarmerie pour l’accès aux quais. Aucun contrôle dans mon sens puisque je rejoins Paris. Les gens qui descendent à Amboise par contre sont soumis à un contrôle d’identité et une fouille systématiques. Alors me reviennent en mémoire les images du traditionnel défilé du cortège présidentiel le jour de l’investiture, il y a deux ans, un autre jour de mai où la pluie s’invitait à la fête. Ce jour-là, en grand plan à la télévision, le président fraîchement élu agitait la main depuis son véhicule. Mais pour saluer qui ? Lorsque les images le permettaient, on apercevaient les boulevards parisiens, absolument vides de marcheurs, vides d’électeurs acclamant leur champion. Quelques vieilles personnes en parapluie regardaient passer le cortège sans enthousiasme, maigres rassemblements augurant sans doute de la situation qui n’allait pas manquer de se dégrader. La république française a décidément changé d’époque.

Sources principales :

Visite de Macron à Amboise : la ville en partie barricadée jeudi 2 mai, 29 avril 2019 www.info-tours
Amboise : sécurité maximale pour la venue des présidents français et italien jeudi 2 mai, lanouvellerepublique.fr, 1er mai 2019
Suivez la visite d’Emmanuel Macron à Amboise, 2 mai 2019, france3-regions.francetvinfo.fr

22 Mar 2019

LA VIOLENCE EN QUESTION

Après les violences des « Black Blocs » survenues lors de l’acte XVIII des manifestations des gilets jaunes ce 16 mars, le gouvernement a décidé de faire appel à l’armée. Depuis quelques semaines déjà, on entendait gronder le funeste son d’appels en ce sens, y compris de la part de certains intellectuels (1) ou responsables politiques.
    C’est à dire que les CRS ne suffiraient plus. Il faudrait des hommes en armes létales, qui de surcroit n’ont bénéficié d’aucune préparation à ce type de travail. Les dérapages et incidents mortels sont envisagés. Le risque politique de tuer est assumé.
    Pourtant les attaques des Blacks Blocs furent loin d’être une surprise ce samedi. Le citoyen lambda pouvait en mesurer la prédictibilité en furetant sur les réseaux sociaux. Contrairement aux samedis précédents, les CRS ne sont que très peu intervenus lors de cet acte XVIII. Ils ont essuyés longtemps les jets de projectiles les plus divers sans réagir. Les ordres, toujours les ordres, et les Champs ont pu être saccagés à l’envi. A l’évidence, la stratégie était de laisser faire. On fait passer pour de l’incompétence un ordre pensé et venu de plus haut et le fusible fait les frais de l’affaire comme le pion gambit des échecs.

    Faire intervenir l’armée est dans l’ordre des choses, la suite logique d’une stratégie lisible depuis longtemps. Depuis le début de la crise des gilets jaunes, la volonté du gouvernement est malheureusement de ne rien accepter des revendications, de n’infléchir en rien sa politique. La stratégie pour ce faire est de miser sur le renoncement des manifestants. A cette fin, tous les moyens ont déjà été utilisés :
    La lassitude. A force de samedis à marcher sans résultats, ils se lasseront. Comme les mouvements de grève des cheminots l’an passé, aura-t-on pensé. Au bout de dix-huit samedis, le mouvement des gilets-jaunes perdure. Ils paraissent parfois s’essouffler, mais reviennent le samedi suivant après leur petite semaine de petit boulot mal payé.
    La mascarade de l’écoute et du dialogue. Les revendications des gilets jaunes ont été multiples, allant dans tous les sens peut-être, mais avaient l’avantage d’être parfaitement claires. Au lieu de placer le débat de celles-ci sur le plan législatif - la représentation nationale et le système bicamérisme sont faits théoriquement pour cela - on invente le grand débat qui n’est qu’une enfarinade soliloquée et illusionniste pour les mettre à la corbeille.
    L'humiliation. Ils se sont fait traiter d’à peu près tous les maux que la société bien pensante peut émettre : de sans dents, d’incultes, d’illettrés, de fascistes, ou de xénophobes, de délateurs, de militants « ultras »  tout à tour de l’extrême droite ou de l’extrême gauche… Malgré l’expression grandissante de ce mépris de classe ils ne baissent toujours pas la tête. Le résultat n’est que l’accroissement de ce mépris de part et d’autre et un recul du désir collectif de bien vivre ensemble dans une société apaisée. Ce qui devrait éthiquement être l’objectif premier de tout exécutif représentatif de la souveraineté populaire.
    La répression judiciaire. De nombreuses personnes en garde à vue les week-end, des arrestations arbitraires et des condamnations sommaires font dégrossir les rangs des militants les plus actifs (2). Les gardes à vue sans objet finissent par s’arrêter. Le samedi suivant ces gens sont libres d’y retourner et l’aventure n’a produit qu’à accroître leur rage.
    Le blocage internet. Afin de minimiser les rassemblements, les blocages de connexion à certains forum ont été maintenus jusqu’à la fin du week-end. J’ai moi-même subi ce désagrément sur ceux qui me permettaient de m’informer de la communication de plusieurs groupes de manifestants sur les réseaux sociaux.
    Les violences policières. En acculant les cortèges dans des culs-de-sac, en les gazant, en les frappant au hasard alors que sont épargnés les ostensibles casseurs, en les blessant et en les mutilant, on accomplit une stratégie de contre-terrorisme d’Etat qui est comparable à celle utilisée par l’armée en Algérie lors de la lutte pour l’indépendance (4). Toute personne en contact plus ou moins direct avec un insurgé pouvait alors être arrêtée arbitrairement et torturée sans autre raison que l’intimidation (5). La gestion de crise est ici du terrorisme d’Etat. On dissuade les gens de retourner aux manifestations par la peur d’être mutilé.

    Cependant, à faire intervenir l’armée, l’Etat pourrait bien se prendre les pieds dans le tapis de sa propre crédibilité. L’armée est un corps moins docile que les brigades républicaines de sécurité, et moins encore évidemment que les DAR (détachements d’action rapide). Rappelons que la dernière fois que la France a envoyé l’armée pour contenir ses manifestants, c’était non pas en 68, mais en 1947. Et contrairement à 1848 et la commune en 71, les officiers désobéirent et refusèrent de tirer. Les grévistes prirent l’avantage sur l’armée et posèrent sur les armes prises aux militaires… Mais il est vrai que c’était une autre époque, l’insoumission avait payé trois ans avant, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui…
    Le risque est grand car à tirer sur des manifestants, le masque de l’intransigeance totale tombe, à révéler la nature réelle d’un pouvoir, comme de rappeler les deux fondamentaux que la presse, toute à sa déférence, ne rappelle plus :
    L’armée est censée défendre le peuple et la nation des dangers qui les menacent, pas se retourner contre une de ses composantes pour protéger une autre de ses composantes.
    Le principe de la constitution de la Ve république tel que définit en son article deux est explicitement le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple. Le respect de cette constitution ne pourrait donc souffrir que l’armée se retourne contre une partie de ce qui le constitue.
    Lorsque la cohérence nationale est à ce point dégradée et que le maintien de l’ordre public dépend de l’armée cette dernière fusionne avec l’appareil d’Etat et on parle alors de dictature militaire.

    Car en vérité, la légitimation d’une telle intervention ne serait possible que s’il y avait atteinte à l’intégrité de l’Etat. Comme par exemple la guerre civile, ou la menace d’un coup d’Etat fomenté par une puissance étrangère. Le danger n’est absolument pas là. Le danger est ciblé sur une politique purement conjoncturelle. Ce que réclament ces gens, y compris les plus violents d’entre eux, n’est pas une atteinte à l’Etat, mais un infléchissement d’une politique en laquelle ils ne voient ni espoir d’amélioration de leurs conditions matérielles de vie, ni aucun espoir d’avancées démocratiques.
    La menace n’est pas non plus arrivée au point de 1947, quand le pouvoir prit la décision de faire intervenir l’armée. Rappelons qu’à l’époque, non seulement l’économie était menacée d’étouffement, mais en plus les actions provoquaient des morts (3).
    
    Se résoudre à faire intervenir l’armée, c’est l’aveu d’un échec. Car une des fonctions premières de l’Etat est de garantir le bien vivre ensemble de sa population. Lorsqu’une partie importante manifeste dix-huit semaines de suite son impuissance à s’en sortir, à boucler les fins de mois, ou à se faire entendre dans une démocratie qui n’en a plus que le nom, c’est que l’Etat a échoué à assurer le maintien de l’unité nationale. L’unité nationale est ce qui fait qu’un peuple a plaisir à vivre ensemble, dans ses diversités. Lorsqu’une partie de ce peuple se résout à accepter le recours à la violence pour se faire entendre et qu’une autre partie se résout à réclamer la violence militaire il n’est plus question de se demander ou est la légitimité du pouvoir. Le peuple, ou une partie de celui-ci, est toujours légitime à exprimer ses difficultés et s’il n’est pas entendu la violence devient toujours son ultime recours. Un gouvernement n’est légitime que lorsqu’il permet et organise les conditions du bien vivre ensemble, parce que le pouvoir n’a pas impunément le droit pour lui contre le peuple, il n’a constitutionnellement que des devoirs. Lorsque par contre il a renoncé à l’unité nationale au point d’user de l’armée contre les oubliés de son projet politique, il cesse de conduire le troupeau sur le chemin du bien commun au profit de celui du despotisme.

    Comment sortir de ce type de crise sans dérapage despotique ? Les précédents de manifestations qui dégénèrent en France jusqu’à prendre la forme insurrectionnelle sont là pour nous renseigner. Dans ces précédents, c’est l’insurrection qui a eu le dernier mot. Le pouvoir doit savoir faire le dos rond, comme disait le Pompidou de 1968 qui sut éviter le dérapage final. Car au bout d’un moment il n’y a plus que deux alternatives : céder ou tirer dans le tas. Céder sur les détails, pour ne pas perdre l’essentiel : rétablir les conditions du bien vivre ensemble.

(1) Luc Ferry appelle à tirer sur les Gilets jaunes et veut l’intervention de l’armée, France-soir, 8 janvier 2019
(2) Répression judiciaire des gilets jaunes : Edouard Philippe fait du chiffre, par Régis De Castelnau, 13 février 2019,  vududroit.com
(3) Un sabotage: en 1947 à Agny, l’attentat du train postal coûtait la vie à vingt personnes, La voix du nord, 28 décembre 2012
(4) Rébellion en Algérie et guerre révolutionnaire, par le capitaine Jacques Mercier, 5ème bureau, mai 1958
(5) Mitterrand, une histoire de français, par Jean Lacouture, 1998, Seuil

24 Feb 2019

LEGIFERER CONTRE LES PROPOS ANTI-SIONISTES, VRAIMENT ?

    Lors de la manifestation des Gilets Jaunes de samedi 16 février des propos haineux, injurieux et anti-juifs ont été adressés à l’intellectuel Alain Finkielkraut par des Gilets Jaunes. Les propos épars seraient ceux-ci : « Sale sioniste de merde, tu vas mourir », Dégage », Nique ta mère », La France elle est à nous », « Palestine », et « Sale race ». Ce débordement est évidemment inacceptable mais la récupération qui en est faite l’est tout autant.
    Le lendemain un suspect est identifié(1). Mais on ne nous donne pas cette identité. Première question, pourquoi, pour respecter la présomption d’innocence ? Bien sûr que non, le nom du boxeur Christophe Dettinger avait été rendu public quelques heures seulement après les faits reprochés. Nous comprendrons bientôt pourquoi l’identité de l’interpelé n’est pas révélée à cet instant. La victime ne porte pas plainte ; il sait de toutes façons que ces propos tombent sous le coup de la loi sans cela et que l’Etat se chargera de punir ses agresseurs pour lui. En effet l’article 33 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 précise que toute injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap peut être sanctionnée de 6 mois de prison et de 22 500€ d’amende. Il n’y a aucun doute que de tels propos tombent sous le coup de cette loi.
    
    L’intellectuel pris à parti déclare qu’il préfère comprendre que condamner. Très bien, essayons de comprendre avec lui.
    Décryptage des agresseurs tout d’abord. « Palestine », est-il crié pendant l’altercation. Ces gens se réclament ainsi de certains mouvements de défense du peuple palestinien. Une cause juste, ici défendue par des moyens qui le sont moins, comme le recours à la violence, qu’elle soit verbale ou physique. Sur la vidéo de l’agression envers Finkielkraut, on voit très nettement le groupe. Au milieu des manifestants proférant les injures, l’un des hommes apparait très distinctement à l’image au moment où il crie « La France elle est à nous ». il accompagne son slogan d’un geste extrêmement clair. Il brandit son keffieh au moment où il dit « la France ». Rappelons que ce foulard symbolise la défense du peuple palestinien. Ce qui signifie que cette agression verbale n’est pas qu’une simple agression anti-juive. Brandir le keffieh en disant « La France elle est à nous » c’est revendiquer posséder la France à l’exclusion des autres groupes confessionnels. La stratégie politique d’un Islam conquérant l’Europe par la da’wa est théorisée par l’association des Frères musulmans depuis Saïd Ramadan il y a soixante ans exactement. L’idée n’est pas de construire un Islam s’insérant dans une société multiconfessionnelle et respectueuse des autres mais d’imposer leur propre vision de l’Islam à tous par la conquête tentaculaire dans tous les rouages de la société. Après renoncement au terrorisme et à l’action violente qu’avaient théorisés avant lui Hassan al-Banna et Sayyid Qotb, le père de Tariq Ramadan écrivait alors dans sa thèse de doctorat : « Toutes les idées religieuses qui modèlent l’imaginaire et le contenu de l’esprit humain et qui déterminent l’action de la volonté humaine sont totalitaires potentiellement ou par leur principe. Elles doivent chercher à imposer leurs propres valeurs et leurs propres règles à toutes les activités et toutes les institutions sociales, des écoles primaires à la loi et au gouvernement. » C’est un projet politique de conquête totalitaire par le biais de la religion. Il convient à la fois de ne pas oublier que tout musulman n’appartient pas à ce projet totalitaire mais aussi d’être conscient de son existence pour en protéger l’ensemble de la société humaine dans sa diversité. Car si ces gens sont persuadés d’oeuvrer à terme pour le bien de l’humanité et dans le sens de l’Histoire, la majorité de la société humaine n’adhère pas à ce prosélytisme exclusif et totalitaire.

    Maintenant que la nature des auteurs des insultes du 16 février est plus clairement identifiée, continuons d’essayer de comprendre en s'attachant à la cible de l’agression. La victime n’est pas n’importe quel juif qui passait malencontreusement par là. Il n’était pas écrit sur son visage qu’il était d’origine juive et il ne portait pas d’étoile jaune. Ce n’est pas un doux Michel Boujenah qui a été pris à partie, ni même un plus politisé Pierre Arditi. Il s’agit d’une personne reconnue pour ce qu’elle est : Alain Finkielkraut, lui, et personne d’autre. Cet intellectuel se fait depuis toujours le défenseur de l’indéfendable pour peu que l’accusé soit juif. Jusqu’aux sujets éloignés de la géopolitique, jusqu’à dire par exemple que 13 ans ce n’est plus tout à fait l’enfance si c’est pour défendre (2) la pédophilie d’un Polanski - affaire aggravée pourtant par l’usage d’alcool et de drogue pour arriver à ses fins, perversion et sodomie, puis par la fuite hors des Etats-Unis où il risquait 50 ans de prison. On a moins entendu M. Finkielkraut soutenir son idée de « fureur de la persécution » quand il s’agissait de défendre Ibrahim Maalouf accusé de choses à peine comparables (attentat à la pudeur) avec une jeune fille de 14 ans.
    Mais c’est bien entendu sur le champ politique qu’on a le plus entendu Finkielkraut défendre l’indéfendable. L’académicien à l’indignation sélective a multiplié les justifications de la politique de l’Etat d’Israël aux heures les plus sombres de son histoire ; la raison essentielle de la haine qu’il a pu accumuler sur sa personne depuis 50 ans. Il se revendique lui-même sioniste, et appelle à cet amalgame entre antisémitisme et antisionisme depuis longtemps. Le 22 juin 2010 il prononce lors de son discours devant le CRIF : « Ceux, juifs et non-juifs, qui ne veulent pas pactiser avec l’antisémitisme, doivent revendiquer cette appellation devenue infamante et dire fièrement face à la haine : nous sommes tous des Sionistes. (5)»
    
    Mais faut-il pour autant légiférer dans ce sens ? Finkielkraut, qui est loin d’être un imbécile, a lui-même défendu le droit à l’antisionisme : « l’antisionisme, c’est-à-dire l’attitude qui consiste à critiquer la colonisation dans les territoires occupés est tout à fait légitime »(3). Pourtant des organisations juives, dont « Europe Israël », militaient depuis quelques temps pour que l’antisionisme devienne un délit (4). Les injures du 16 février tombent bien, puisque Sylvain Maillard, député LREM travaillait justement depuis plusieurs semaines (4) sur un projet de loi: « Notre groupe d’étude à l’Assemblée nationale portera une initiative forte dans les prochains jours pour que l’antisionisme soit reconnu et puni en France pour ce qu’il est : de l’antisémitisme ! », déclare-t-il sur Twitter le jour-même de l’agression verbale.
    Le projet de loi de Sylvain Maillard se fonde sur l’idée que « la haine d’Israël est une nouvelle façon de haïr les juifs » ; et se justifie selon lui ainsi : « On peut critiquer le gouvernement d’Israël, mais pas remettre en cause l’existence de cet Etat. Personne ne remet en cause l’existence de l’Etat français ou de l’Etat Allemand » (4). Sauf que ce monsieur confond l’Etat nation et la nature politique et institutionnelle de cet Etat. Pour faire un parallèle avec notre pays, la France a cessé d’être une monarchie catholique de droit divin sans pour autant que l’Etat français disparaisse. Elle a su se muer constitutionnellement pour abriter toutes les confessions au sein d’un espace de paix qu’elle a appelé laïcité. De la même manière Israël pourrait devenir un Etat laïque sans pour autant que l’existence de son Etat soit contesté. La nation israélienne est comme pour tous les autres pays du monde constituée des différents groupes humains qui peuplent son territoire. Car des composantes non-juives importantes habitaient ce territoire à l’époque précédente, celle du mandat anglais, et continuent de l’habiter. Si on peut être israélien sans être juif, Israël est concevable en tant qu’Etat sans sa judéité. Dans ces conditions, il est extrêmement dangereux d’assimiler l’attaque du Sionisme, comme l'attaque du caractère juif de l’Etat d’Israël à de la haine du juif. La judéité du peuple juif est à la fois une essence et une nécessité et c’est là que le droit doit la protéger ; mais l’administration de ce territoire en tant qu’Etat juif est une contingence et il est important de pouvoir l’attaquer politiquement sans être assimilé à un antisémite.
    Car c’est un devoir moral que d’attaquer le Sionisme lorsque cette politique bafoue le droit international, justifie l’expansion territoriale et le déplacement de populations. Lorsqu’elle commet des crimes de guerre, lorsque l’ensemble de sa politique conduit à une épuration ethnique et confessionnelle du territoire israélien.


(1) 17 février 2019, lci.fr
(2) Finkielkraut défend Polanski : à treize ans, ce n’était pas une enfant, L’Obs, 9 octobre 2009
(3) Bourdin direct, BFMTV, 31 janvier 2014
(4) Finkielkraut insulté de « sale sioniste de merde » : des députés reprennent notre idée et vont proposer une loi assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme, europe-israel.org, 18 février 2019
(5) Discours Alain Finkielkraut rassemblement 22 juin 2010, CrifFrance youtube.com

22 Nov 2018

GILETS JAUNES : CONSIDERATIONS SUR LA DESUNION DES « OPPOSANTS »

Après quelques jours de cette manifestation prévue initialement pour la seule journée du 17 novembre, c’est l’heure des premiers bilans.
D’abord quelques chiffres. Un peu moins de 290 000 manifestants le 17 selon le ministère de l’intérieur, dont on sait la tendance à minimiser un peu les scores. Deux morts, un peu plus de 550 blessés. Plus de 600 si on ajoute les 95 policiers. 120 personnes environ arrêtées. Un mouvement qui se poursuit, en moindre mesure les jours de travail, mais avec l’annonce d’une forte mobilisation sur le samedi suivant(1).
La tendance est à considérer le mouvement comme étant spontané. Le manque de cohérence de sa communication, le caractère désorganisé et décentralisé de ses actions, la diversité des revendications et des raisons qui poussent les gens à y participer semblent confirmer que si ce mouvement social est accompagné en amont puis récupéré en aval par certains partis ou personnalités politiques, l’essentiel se passe de manière hétérogène et décentralisée, sans obédience politique ou syndicale particulière.
Annoncé dans la presse et les réseaux sociaux comme étant un mouvement de protestation contre les taxes sur le gasoil et plus généralement sur le pouvoir d’achat, il pouvait apparaître à certains opposants au gouvernement comme une contestation illégitime. Parce que venant d’une population centrée sur elle-même. Une contestation basée sur des considérations moins nobles que peuvent l’être la défense des droits sociaux, des sans-abris, la lutte contre la loi travail, la défense des migrants, ou encore la question écologique. Ce mouvement déplait aussi aux militants syndicaux ou d’extrême-gauche. Les gilets-jaunes n’étaient pas avec eux dans ces combats, pourquoi participeraient-ils au leur? Puis disons-le, ce mouvement des gilets-jaunes déplait avant tout à une partie des opposants au gouvernement, une certaine gauche, à cette gauche qui va des « anti-fa » à la « gauche caviar », en passant par les « bobos » des centres urbains, parce qu’elle semblait émaner de ce que l’on appelle la « fachosphère ». Laquelle est pour elle le mal absolu.

Voyons maintenant un par un les arguments le plus souvent rencontrés chez ceux qui se disent à la fois opposants au Président Macron et aux gilets-jaunes:

- Le mouvement des gilets-jaunes est inutile. Cela ne sert à rien de bloquer les gens qui travaillent, il vaut mieux aller chercher le président lui-même.
Un groupe a tenté de se présenter à l’Elysée. Les images sont disponibles sur internet. L’accès a évidement été impossible, le service d’ordre veillait à son inaccessibilité avec la plus grande fermeté (ailleurs dans les campagnes la police a accompagné les gilets-jaunes avec bienveillance, arrêtant parfois des automobilistes forçant le passage au risque d’écraser des manifestants). Quand bien même quelques-uns d’entre eux auraient réussi à pénétrer dans la Palais présidentiel, ils n’auraient pu que constater l’absence de Macron, à l’étranger ce jour-là. Et qu’en est-il de tous ceux qui résident loin du Faubourg Saint-Honoré à Paris, ils n’auraient pas le droit de manifester leur mécontentement ou leur détresse? Ensuite l’argument de dire qu’il est inutile de bloquer les gens qui travaillent revient à oublier comment la plupart des acquis sociaux ont été obtenus. Parfois par la victoire électorale d’un programme il est vrai mais le plus souvent par la contestation de la rue qui bloque l’économie jusqu’à prendre à la gorge le gouvernement.

- Lutter contre la hausse des taxes sur le carburant c’est préférer son petit confort à la sauvegarde de la planète.
Ce second argument est beaucoup plus pertinent. En effet il est absolument inacceptable de continuer à scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Si il appartient au gouvernement de tracer la voie en proposant des lois pour une économie plus propre il appartient aussi à chacun de consommer plus propre. Ce serait donc un argument de choc si il était vrai. Mais la communication du gouvernement est absolument mensongère sur ce point. La taxe sur les carburants ne sert pas à financer le changement énergétique. Comme l’a bien montré François Ruffin, ces recettes ne vont que pour 10% à la transition écologique(2). Consommer plus propre pour chacun? D’accord, mais c’est oublier que pour beaucoup, travailler c’est prendre sa voiture pour s’y rendre, voire même passer sa journée à rouler. Et que pour ceux-là, choisir le diesel était quasi imposé par le gouvernement d’alors. La continuité de l’Etat devrait imposer d’assumer les erreurs passées et d’imaginer des solutions pour que les plus pauvres ne payent pas pour ces errances. Les aides pour changer de véhicule ne peuvent pas suffire à compenser de telles hausses des prix du carburant pour ceux qui n’ont pas le choix d’utiliser la voiture. Surtout dans un contexte ou en plus l’Etat à choisi de démanteler le maillage des lignes de chemins de fer ruraux alternatifs au tout voiture. Tout simplement parce que beaucoup n’ont pas les moyens de changer de voiture, même avec une aide.

- Ce combat n’est pas légitime car avant de penser à son petit pouvoir d’achat il y a des problèmes plus importants. On ne voyait pas les gilets-jaunes contre la loi travail, contre les retraites.
C’est totalement vrai. On peut reprocher aux gilets-jaunes de ne pas avoir été solidaires d’autres luttes populaires - rien ne prouve pour autant qu’un certain nombre n’était pas à la fois de toutes ce manifestations, mais passons… La tendance est un peu au chacun sa lutte dans notre pays de râleurs. Mais rester dans la posture de celui qui refuse de participer au combat de son voisin parce que ce dernier n’a pas participé au sien est celle de refuser d’être le premier à tendre la main. Le proverbe populaire dit que c’est toujours le moins bête qui stoppe l’escalade d’une querelle. Il en est de même pour l’escalade de la désunion.
Maintenant sur cette notion de combat plus important, de considérations politiques qui seraient plus élevées que la question du pouvoir d’achat des classes moyennes inférieures. Cette critique n’est pas sans me rappeler la querelle opposant Sartre et Camus au sujet de la guerre d’Algérie. Les milieux intellectuels de gauche de l’époque avaient massivement donné raison à Sartre contre Camus, lequel avait défendu l’idée que l’humain est toujours préférable à la politique. Il avait dit quelque chose comme (excusez-moi d’avance pour l’approximation, je cite de mémoire): « à des considérations politiques supérieures, je préfèrerai toujours prendre le parti de ma mère, restée à Alger, dont la sécurité me parait une valeur supérieure ». Cette pensée théorique de Camus est à mon sens exactement ce dont le petit peuple des gilets jaunes a aujourd’hui l’intuition. A une haute pensée politique qu’il néglige et que peut-être il ignore, il va préférer défendre l’urgence du quotidien qui est bassement terre-à-terre: comment remplir le caddie sans trop empoisonner ses enfants, comment faire le plein d’essence pour aller au boulot et faire tourner la maison, comment payer les activités et des vacances aux enfants. Ce petit peuple-là est en effet centré sur ses petits problèmes. Il n’a ni l’envie sans doute de faire de la politique, ni le temps, ni peut-être la formation intellectuelle. Il veut juste vivre mieux. Cette aspiration est légitime. C’est Camus qui avait raison contre Sartre.

- Le mouvement est condamnable parce qu’il est d’extrême-droite.
En toute logique nous arrivons à ce dernier point. Le plus important sans doute. Il ne faudrait pas rejoindre ce mouvement parce que ce petit peuple qui manifeste là a la revendication nauséabonde: non seulement il est centré sur son petit pouvoir d’achat, mais en plus il est manipulé par l’extrême droite. D’abord, que cela soit vrai est tout à fait discutable. Le RM ne semble pas maîtriser tant que cela ni la communication ni les actions du mouvement. Et quand bien même il aurait été vrai qu’une part importante des gilets-jaunes ait voté pour ce parti, en quoi ce petit peuple serait condamnable? Non, c’est au contraire ceux qui le méprisent qui le sont. Sans doute commettra-t-il des fautes pendant ces manifestations. Il y aura parfois des débordements, des accidents, des bavures. Le petit peuple nauséabond fait souvent une faute tous les trois mots dans sa communication, il accorde le participe passé à l’infinitif quand il écrit, il est très maladroit à l’oral lorsqu’on en interroge un pris au hasard sur les médias audiovisuels. Pourtant ce petit peuple nauséabond n’a que la formation intellectuelle qu’on lui a permis d’avoir, et s’il se tourne vers Marine Le Pen c’est peut-être qu’il n’a pas trouvé dans les autres partis une offre programmatique qui lui était adressée. Le petit peuple nauséabond n’est pas méprisable si il vote RN. Ce sont les autres partis, notamment à gauche, qui devraient cesser de s’interroger sur la question et se remettre à penser à lui. Seule la FI l’a fait ces dernières années, mais son échec au premier tour des présidentielles l’aura disqualifié à ces yeux pour longtemps.

Comme Camus il y a cinquante ans, considérons que c’est l’humain qui prévaut sur la politique. François Ruffin lui, l’a compris. Lui, il descend dans la rue rejoindre les gilets-jaunes. Et il y va avec son petit carnet. Il note ce que le petit peuple nauséabond a à dire à un élu de la nation. Parce que ce petit peuple n’ose pas, souvent ne sait pas, qu’il a possibilité de le faire aux permanences parlementaires.
De part cette désunion des soi-disants opposants au président Macron le si mal élu (ne jamais cesser de rappeler que 57% des inscrits ont refusé de mettre son nom dans l’enveloppe le jour du deuxième tour), le mouvement des gilets-jaunes va vraisemblablement échouer. C’est donc que ces soi-disants opposants préfèrent en réalité parfois la politique de ce président au petit peuple nauséabond. Le petit peuple continuera de financer par ses pleins de gasoil le CICE et la suppression de l’ISF.
Pourtant, à titre personnel, même si je sais qu’il va échouer, je continuerai à soutenir ce mouvement. Non pas en y participant parce que je n’ai malheureusement pas le temps, mais en écrivant ce texte, en relayant des posts de gilets-jaunes même quand la provenance est douteuse, et en déposant ostensiblement mon gilet jaune sur mon tableau de bord.

(1) Gilets jaunes, des signaux alarmants, selon les Renseignements, leparisien.fr 20 novembre 2018
(2) Kevin Puisieux, de la Fondation pour la Nature et l'Homme, anciennement Fondation Nicolas Hulot : "Sur les 9 ou 10 milliards de taxe carbone perçus en 2018, 1,8 milliard est destiné aux énergies renouvelables. Au-delà, plus grand-chose à voir avec la transition écologique. Trois milliards vont au Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), et pour le reste les ressources vont au budget général - un budget marqué en 2018 par le trou créé, entre autres, par la suppression de l'ISF et de ses 4 milliards d'euros de recettes. Mettez-vous dans la peau de nos concitoyens qui, à chaque fois qu'ils vont faire le plein, se disent qu'ils sont là pour renflouer des caisses vidées par des avantages consentis aux ménages les plus fortunés. Ce n'est ni logique, ni cohérent ! Et cela abîme la légitimité populaire de la taxe carbone, qui ne doit pas servir à boucher les trous d'un budget mal ficelé ! »

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